Mainstream or Social Economy

Le sol et le sous-sol de la République démocratique du Congo (RDC) abritent près de cinquante minerais différents en quantités gigantesques, ce qui devrait assurer sa richesse. Paradoxalement, ce pays est l'un des plus pauvres au monde. Souvent qualifiée de scandaleuse, cette situation a trouvé une ébauche de solution, il y a une dizaine d'années, avec la volonté des autorités congolaises, soutenues par la Banque mondiale, de réformer le secteur minier. Anuarite Bashizi a analysé les fondements de la théorie de la modernisation, brandie par les réformateurs comme une voie privilégiée vers la lutte contre la pauvreté. A partir du cas particulier de la zone minière de Kalimbi (Sud-Kivu), elle a démontré  que le bien-être de la communauté artisanale minière ne s'est pas amélioré. Plus particulièrement, la volonté des "réformistes" de créer des coopératives de "creuseurs" et d'assurer la traçabilité des minerais n'ont pas réussi à endiguer le phénomène d'accaparement des revenus miniers par les élites.

Le regain d'intérêt pour les bières "anciennes" entraîne, depuis quelques années, la création d'un nombre croissant de brasseries artisanales en Belgique. La plupart sont constituées sous la forme de PME ou de TPE familiales. Louise Lambert a cherché à savoir comment les différentes parties prenantes de ces micro entreprises (consommateurs, travailleurs, actionnaires, État...) bénéficient - ou non - des gains de productivité dégagés, en les comparant avec une brasserie multinationale. L'originalité de son approche consiste à avoir comparé les formes d'organisation institutionnelle sur une période de huit ans à partir des comptes annuels et, par ailleurs, d'avoir utilisé une méthode généralement réservée à la micro-finance: la méthode des comptes de surplus. Il en ressort que les trois entreprises sociales étudiées favorisent d'autres parties prenantes que les actionnaires, alors que les PME familiales privilégient, elles, les futurs investissements. La multinationale se concentre essentiellement sur l'intérêt des actionnaires.

Les potagers urbains, en Belgique, sont en plein essor.  La Région bruxelloise en compte près de 200. Parallèlement, la notion de "communs", proposée par Elinor Ostrom (prix Nobel d'économie, 2009), s'est considérablement développée ces dernières années. Elle désigne une série de pratiques dont le mode de gouvernance ne ressemble ni à l’État, ni aux règles du marché. Clarisse Van Tichelen a voulu savoir si, à la lueur de cette notion, les potagers collectifs s'avèrent des outils efficaces vers une transition sociale et écologique. Le mode de gestion de 42 potagers a été analysé. Il en résulte que ceux-ci constituent des institutions durables et robustes au sens d'Ostrom, leurs impacts sociaux (notamment) étant loin d'être négligeables. Leur capacité en termes de volume de production, en revanche, reste faible, tout comme leur potentiel de transformation économique. L'apport le plus important des potagers est de peser sur les normes: ils montrent, quotidiennement, que des alternatives durables sont réalisables et souhaitables.

Le Trusquin est une Entreprise de Formation par le Travail (EFT) qui permet à des stagiaires en réinsertion socio-professionnelle de se former à différents métiers dont plusieurs à vocation écologique. En matière d’éco-construction par exemple, l’EFT est devenue une référence avec la maîtrise de techniques que lui envient les professionnels du secteur. L’entreprise a également développé une équipe de gestion écologique des espaces verts habilitée à intervenir par exemple dans les réserves naturelles de la région. L’entreprise compte aujourd’hui 20 employés et forme 60 stagiaires par an.

L’entreprise de la dernière chance

« Nous formons nos stagiaires pendant 18 mois sur de vrais chantiers où ils doivent se montrer productifs, c’est-à-dire réaliser un travail de qualité dans les délais impartis », insiste Patrick Truccolo, le directeur du Trusquin. « On est un peu leur dernière chance et nous sommes convaincus que c’est en leur offrant une expérience en entreprise qu’ils prennent confiance en eux. Nous ne sommes pas dans une vision théorique qui retarde l’insertion professionnelle telle que pensée généralement. »

Un homme, une voix

La formation de 18 mois sur chantiers est suivie d’un stage dans une entreprise tierce, où les stagiaires, épaulés par une équipe psycho-sociale, trouveront pour la plupart du travail. « Des personnes qu’on catégorisait comme ‘capables de rien’ deviennent des experts en isolation et en construction écologique », se réjouit Patrick Truccolo. Et ils ont tous leur mot à dire dans l’entreprise : chaque mois ont lieu des réunions où les décisions sont prises de manière démocratique, selon le principe de « un homme est égal à une voix ».

Une référence en éco-construction

Le Trusquin construit des maisons bioclimatiques, basses énergies ou passives et privilégie les matériaux naturels et durables comme le bois, la laine, la chaux, les végétaux (pour l’isolation et les toitures), etc. Ses propres bureaux de 1500m2 sont passifs et servent d’exemple. « On se forme en Autriche, en Allemagne ou en Suisse pour rester pionniers puis on partage nos expériences. Notre objectif est de devenir un centre de formation de référence. » Côté financier, Le Trusquin vise une plus grande indépendance envers les pouvoirs publics. Elle parvient actuellement à couvrir près de 70% de ses besoins grâce à ses activités, le reste étant pris en charge par la Région wallonne et le Fonds social européen.
 

Diplômé en marketing et communication dans les années '80, sa licence en politique économique et sociale a fait naître chez Eric Bertrand une question fondamentale: « Peut-on mettre Adam Smith au service de Karl Marx? » ou autrement dit « Peut-on mettre l'économie au service du social? ».

Après avoir fait ses armes dans les entreprises de travail adapté dans la province du Hainaut, il pose ses bagages à Chapelle-lez-Herlaimont, véritable laboratoire d'expériences pour plus de cohésion avec une économie sociale d'insertion, de redistribution et d'innovation. Eric Bertrand y fonde, avec Patrick Moriau Proxemia et Proxemia Bis. Il assume la responsabilité générale et veille à la bonne image de ces deux entreprises. Simultanément, il assure une fonction  de « Recherche et développement » dans le secteur de l’économie sociale.

Damien Dallemagne a travaillé pendant toute sa carrière dans le monde économique, d'abord dans l'industrie et puis comme consultant en management pour une entreprise internationale.
Depuis 2007, il a sa propre entreprise, Innergic et accompagne des dirigeants d'entreprise comme consultant indépendant. Il a toujours été motivé pour l'intégration des enjeux du développement durable dans la vie de l'entreprise. Il constate aujourd'hui que les entreprises sont face à un problème de crédibilité, notamment auprès des jeunes. Beaucoup de jeunes sont très critiques, parce qu'ils pensent que les entreprises font une poursuite effrénée du profit et qu'ils ont du mal à penser qu'elles peuvent apporter une contribution positive à notre société. Par conséquent, ils n'ont pas envie de rentrer dans ce système économique. Damien Dallemagne pense au contraire que les entreprises sont un formidable levier de changement pour notre société. Il a envie de montrer aux jeunes qu'il y a beaucoup d'entreprises, d'entrepreneurs et de dirigeants qui travaillent tous les jours à faire du « bon » avec leur entreprise et qui ont besoin de jeunes motivés avec des talents et avec des valeurs pour travailler dans ce genre d'entreprises.
 

En 2007, confrontée à une grave crise, Le Saupont, une entreprise de travail adapté (ETA), a entrepris une véritable révolution dans tous les segments de son activité : diversification, professionnalisation, investissement dans l'intégration de sa production à l'environnement, tout en conservant toutes ses ambitions sociales vis-à-vis de ses travailleurs handicapés.

Pendant des années, l’activité centrale du Saupont, basé à Bertrix, a été le conditionnement à façon, principalement pour un très gros client. En parallèle, une «filière bois» s’est développée, notamment autour de la fabrication de palettes de transport. Pendant ces années, les marchés étaient stables et ils n’ont guère été obligés à prospecter ou à se diversifier.

La crise a changé la donne et l’entreprise se devait d’évoluer au risque de voir disparaître une bonne partie de son activité et de son personnel fragilisé. Les défis étaient de taille: diversifier l’activité pour trouver de nouveaux clients, former tout le personnel de manière à ne laisser personne sur le bord de la route, optimaliser l’entreprise sur le plan environnemental pour engendrer des économies.

Sur le plan économique, la diversification a été un succès et se poursuit encore actuellement. Le Saupont peut aujourd'hui offrir la prise en charge d'une très grande partie du cycle de production d'une large série de produits. Sur le plan social, une dynamique de formation a été mise en place avec comme objectif « zéro licenciement ». Sur le plan environnemental, de nouveaux bâtiments, un système de trigénération, de tri sélectif et de recyclage très poussé ont réduit l'empreinte écologique de l'entreprise. Aujourd'hui, l'entreprise compte 250 travailleurs. Même si l'avenir est encore incertain, la vitalité de l'entreprise et le respect de ses valeurs lui permettent de continuer à relever ses différents défis.